Contrairement aux idées reçues,
il n'y a pas de lien prouvé entre un culte druidique et l'implantation
du christianisme dans l'ancien pays carnute. L'influence de Savinien et
Potentien, dans ces premiers temps est pareillement du domaine de la pieuse
légende.
Des groupes de croyants et même
des martyrs ont certainement précédé en revanche l'installation
d'une église institutionnelle dont les premiers évêques
ne sont pas apparus avant le 4ème siècle, tel ce Gantaume
accueillant le grand saint Martin dont la venue paraît bien attestée
vers la fin de cette époque.
Les
paroisses naissantes durent longtemps faire face aux invasions germaniques
aux 5ème et 6ème siècles, nordiques jusqu'au 10ème
siècle mais l'Église affirma néanmoins sa prépondérance
comme le montre le rôle dévolu à l'évêque
Ganselme an 911, lorsqu'il repoussa, à la tête des habitants
de Chartres, la dernière attaque des normands contre notre ville.
Le paganisme est encore très
présent lorsque s'installent les premiers établissements
monastiques. Saint-Père de Chartres, Bonneval, Coulombs et plus
tard la Trinité de Vendôme, seront le conservatoire des sciences
et des arts, en même temps que le ferment de la foi chrétienne.
Cela ne faisait qu'anticiper l'action
de grands évêques, comme Fulbert qui, au début du second
millénaire, témoigne de son humanisme et de sa volonté
d'enseigner. "L'École de Chartres" fut un temps considérée
comme un haut lieu de l'esprit.
Plusieurs de ses successeurs l'imitèrent,
s'attachant à réformer la liturgie et à discipliner
leurs prêtres. Malheureusement d'autre furent plus soucieux d'avantages
matériels que d'idéal spirituel.
Un grand retour de foi et de générosité
coïncida avec l'époque des croisades. Le "Livre des Miracles
de Notre-Dame" nous en fournit maints exemples et témoigne du renouveau
du culte de la Vierge.
Malheureusement, la guerre franco
anglaise dite de "Cent Ans" plongea le pays dans une affreuse misère
par les excès de toutes sortes qu'elle provoqua. Sans mettre en
question la doctrine chrétienne, elle l'offensait journellement
par sa violence envers les biens et les personnes. Dans le diocèse
même de Chartres, tandis que la ville optait en 1410 pour le parti
des Armagnacs, les Blésois choisissaient celui des Orléans.
Si le court intermède de
la Renaissance pouvait faire croire à un retour de l'esprit de tolérance
et à la prospérité, cela n'allait pas sans luttes
d'influences pour l'attribution de bénéfices ecclésiastiques
comme celui, si recherché, de l'évêché de Chartres.
La Réforme protestante fut une grande épreuve, non seulement
pour l'Église catholique romaine, mais aussi pour les populations
dans leur ensemble en raison des épreuves subies.
Deux évêques furent
spécialement concernés par l'expansion de l'hérésie
dans le diocèse. Louis et Charles Guillard, oncle et neveu, qui
se succédèrent sur le siège épiscopal. Le premier,
administrateur sage mais ferme, publia en 1550 des Statuts synodaux, annonçant
déjà la Contre-Réforme, mais sut se garder d'excès
répressifs, l'emprisonnement du poète Clément Marot,
en 1526, étant du domaine de l'épisode anecdotique. Moins
heureux, Charles qui le remplaça en 1553 fut accusé de complaisance
envers les Réformés, bien que quelques bûchers aient
marqué ses débuts. En 1572, il était devenu si détesté
par les Chartrains, très attachés à l'orthodoxie,
qu'il dut se démettre. Il n'y eut en revanche dans le diocèse
aucune persécution liée à la Saint-Barthélémy.
Entre temps, la querelle religieuse
ayant dégénéré en affrontement armé,
les troupes de Condé furent battues une première fois près
de Dreux en 1562, échouant à nouveau devant Chartres en raison
de la résistance acharnée des habitants et, dit-on, de la
protection de la Vierge, en l'année 1568.
Henri de Navarre, prétendant
au trône et devenu chef des Protestants, prit la tête d'une
nouvelle campagne. Il vint assiéger Chartres et plus heureux que
son prédécesseur, s'en empara après deux mois de luttes.
Son pouvoir assuré et ayant abjuré, il revint s'y faire couronner
Roi de France, sous le nom d'Henri IV, le 27 février 1594, assurant
pour un temps la paix religieuse.
Le 18ème siècle vit
surgir une crise interne à l'Église catholique avec le Jansénisme
qui toucha tous les milieux, y compris le clergé et les religieuses.
Il se prolongea au siècle suivant, requérant l'intervention
des évêques. Mgr Lescot, ami de Vincent de Paul et charitable
comme lui, opta pour sa part pour la tolérance. Son successeur,
Ferdinand de Neufville, réussit après plusieurs essais infructueux,
à mettre sur pied, au grand-beaulieu, un séminaire qui répondait
enfin au voeu du Concile de Trente, visant à mieux former les candidats
au sacerdoce. La doctrine Janséniste diffusait un véritable
mysticisme qui séduisit jusqu'à de grands intellectuels comme
Blaise Pascal et le Chartrain Pierre Nicole. L'opposition des Jésuites,
d'indéniables persécutions et la condamnation de Rome n'arrêtèrent
pas les progrès de la secte.
Évêque de 1692 à
1710, Godet des marais, l'ami et le confesseur de Madame de Maintenon,
dut, en dépit d'un naturel conciliant, agir contre les chanoines
et les prêtres qui s'en réclamaient. La fameuse Madame Guyon,
alors pensionnaire de la Maison de Saint-Cyr, fut éloignée
par l'évêque pour avoir répandu une variante du Jansénisme,
connue soue le nom de Quiétisme.
C'est aussi sous cet épiscopat
que le "Grand évêché", nom sous lequel on désignait
le diocèse de Chartres, allant de la Seine à la Sologne et
difficile à administrer, fut amputé en 1697 d'une partie
de son territoire par création de l'évêché de
Blois.
Une conséquence indirecte
du jansénisme, fut l'apparition au sein de l'épiscopat, d'une
forme d'indépendance à l'égard de Rome, encouragée
par le pouvoir royal, qui prit le nom de Gallicanisme et ouvrit sans doute
la voie à l'Église Constitutionnelle que la Révolution
Française voulut imposer aux catholiques.
Il faut noter le rôle prépondérant
joué, dans la préparation de la Révolution, par l'abbé
Sieyès, alors vicaire général de Chartres et bientôt
apostat. Parmi les premières mesures adoptées, figurait l'alignement
du cadre diocésain sur celui des départements nouvellement
créés. L'évêque, les curés et vicaires,
étaient désormais soumis à l'élection et salariés
comme fonctionnaires publics. Ils devaient en outre prêter serment
à la nouvelle constitution. Quant aux religieux, dont les couvents
furent fermés, ils retournèrent à l'état laïc.
A l'exemple de leur évêque,
Mgr de Lubersac, pourtant ouvert aux idées nouvelles, beaucoup de
prêtres refusèrent le serment et perdirent leur place, certains
étant déportés. Une petite majorité accepta
pourtant le statut officiel. Le nouvel évêque, élu
au début de 1791, Nicolas Bonnet, n'eut qu'un rôle réduit
et décéda d'ailleurs rapidement sans être remplacé.
La lutte antireligieuse fut bientôt
à l'ordre du jour et sous la Terreur, les églises fermées,
obligeant quelques prêtres courageux à poursuivre clandestinement
leur ministère. Dans la cathédrale profanée, le culte
de la Raison fut substitué à celui de la Vierge. Néanmoins,
la persécution resta modérée, bien que ce soit un
prêtre réfractaire, l'abbé Brière, qui ait été
l'innocente victime de la seule exécution capitale pratiquée
dans le département.
L'apaisement religieux voulu par
Bonaparte aboutit en 1802 au Concordat qui eut pour effet de supprimer
l'évêché de Chartres, rattaché alors à
celui de Versailles. Ce n'est qu'en 1817 que le siège épiscopal
fut rétabli au profit de Mgr de Latil, mais la restauration religieuse
et la remise en ordre du clergé fut longue et laborieuse et, à
la fin de l'épiscopat de Mgr Clausel des Montals (1824-852) et de
celui de Mgr Regnault (1853-1889) on doit bien constater que la pratique
religieuse était loin d'avoir retrouvé sa plénitude,
à la veille d'événements qui appartiennent à
l'histoire du catholicisme contemporain.