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Présentation de la Beauce 

à Notre-Dame de Chartres

 

Etoile de la Mer, voici la lourde nappe ,
Et la profonde houle et l'océan des blés
Et la mouvante écume et nos greniers comblés,
Voici votre regard sur cette immense chape

Un sanglot rôde et court par delà l'horizon.
A peine quelques toits font comme un archipel.
Du vieux clocher retombe une sorte d'appel.
L'épaisse église semble une basse maison.

Vous nous voyez marcher sur cette route droite,
Tout poudreux, tout crottés, la pluie entre les dents.
Sur ce large éventail ouvert à tous les vents
La route nationale est notre porte étroite.

Nous allons devant nous, les mains le long des poches,
Sans aucun appareil, sans fratras, sans discours,
D'un pas toujours égal, sans hâte ni recours,
Des champs les plus présents vers les champs les plus proches.

Tour de David voici votre tour beauceronne.
C'est l'épi le plus dur qui soit jamais monté
Vers un ciel de clémence et de sérénité,
Et le plus beau fleuron dedans votre couronne.

C'est la gerbe et le blé qui ne périra point,
Qui ne fanera point au soleil de septembre,
Qui ne gèlera point aux rigueurs de décembre,
C'est votre serviteur et c'est votre témoin.

Nous arrivons vers nous de Paris capitale.
C'est là que nous avons notre gouvernement,
Et notre temps perdu dans le lanternement,
Et notre liberté décevante et totale!

Nous arrivons vers vous de l'autre Notre Dame,
De celle qui s'élève au cœur de la Cité
Dans sa royale robe et dans sa majesté,
Dans sa magnificence et sa justesse d'âme.

Ce Pays est plus ras que la plus rase table .
A peine un creux du sol, à peine un léger pli.
C'est la table du juge et le fait accompli,
Et l'arrêt sans appel et l'ordre inéluctable.

Mais vous apparaissez, reine mystérieuse,
Cette pointe lâ-bas dans le moutonnement
Des moissons et des bois et dans le flottement
De l'extrême horizon ce n'est point une yeuse,

D'ici vers vous, ô reine, il n'est plus que la route.
Celle-ci nous regarde, on en a bien fait d'autres.
Vous avez votre gloire et nous avons les nôtres.
Nous l'avons entamée, on la mangera toute.

Quand nous aurons quitté ce sac et cette corde,
Quand nous aurons tremblé nos derniers tremblements,
Quand nous aurons râlé nos derniers râlement,
Veuillez vous rappeler votre miséricorde.

Nous ne demandons rien, refuge du pécheur,
Que la dernière place en votre purgatoire,
Pour pleurer longuement notre tragique histoire,
Et contempler de loin votre jeune splendeur
Etoile de la Mer, voici la lourde nappe ,
Et la profonde houle et l'océan des blés
Et la mouvante écume et nos greniers comblés,
Voici votre regard sur cette immense chape

Un sanglot rôde et court par delà l'horizon.
A peine quelques toits font comme un archipel.
Du vieux clocher retombe une sorte d'appel.
L'épaisse église semble une basse maison.

Vous nous voyez marcher sur cette route droite,
Tout poudreux, tout crottés, la pluie entre les dents.
Sur ce large éventail ouvert à tous les vents
La route nationale est notre porte étroite.

Nous allons devant nous, les mains le long des poches,
Sans aucun appareil, sans fratras, sans discours,
D'un pas toujours égal, sans hâte ni recours,
Des champs les plus présents vers les champs les plus proches.

Tour de David voici votre tour beauceronne.
C'est l'épi le plus dur qui soit jamais monté
Vers un ciel de clémence et de sérénité,
Et le plus beau fleuron dedans votre couronne.

C'est la gerbe et le blé qui ne périra point,
Qui ne fanera point au soleil de septembre,
Qui ne gèlera point aux rigueurs de décembre,
C'est votre serviteur et c'est votre témoin.

Nous arrivons vers nous de Paris capitale.
C'est là que nous avons notre gouvernement,
Et notre temps perdu dans le lanternement,
Et notre liberté décevante et totale!

Nous arrivons vers vous de l'autre Notre Dame,
De celle qui s'élève au cœur de la Cité
Dans sa royale robe et dans sa majesté,
Dans sa magnificence et sa justesse d'âme.

Ce Pays est plus ras que la plus rase table .
A peine un creux du sol, à peine un léger pli.
C'est la table du juge et le fait accompli,
Et l'arrêt sans appel et l'ordre inéluctable.

Mais vous apparaissez, reine mystérieuse,
Cette pointe lâ-bas dans le moutonnement
Des moissons et des bois et dans le flottement
De l'extrême horizon ce n'est point une yeuse,

D'ici vers vous, ô reine, il n'est plus que la route.
Celle-ci nous regarde, on en a bien fait d'autres.
Vous avez votre gloire et nous avons les nôtres.
Nous l'avons entamée, on la mangera toute.

Quand nous aurons quitté ce sac et cette corde,
Quand nous aurons tremblé nos derniers tremblements,
Quand nous aurons râlé nos derniers râlement,
Veuillez vous rappeler votre miséricorde.

Nous ne demandons rien, refuge du pécheur,
Que la dernière place en votre purgatoire,
Pour pleurer longuement notre tragique histoire,
Et contempler de loin votre jeune splendeur

 

Charles Péguy

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