Héritage
d'Ancien Régime, Chartres, comme la plupart des communes actuelles,
possède ses armoiries. Si leur description est bien connue, en revanche
beaucoup d'hypothèses ont vu le jour sur leur origine. Le but n'est
pas ici d'offrir une description héraldique approfondie de ces armes,
mais d'illustrer par les différents meubles et ornements qui la
composent l'ambiguïté de pouvoir dater historiquement quelque
chose dont on n'a peu de traces écrites.
La
seule pièce officielle dont nous disposons date de 1702 lors de
l'enregistrement des armes de Chartres dans le cadre de l'édit royal
de 1696 qui fit obligation à tous possesseurs d'armoiries, nobles
ou roturières, d'en faire la déclaration afin de remettre
un peu d'ordre dans les marques de noblesse. Cet édit fut, entre
autre, à l'origine de l'Armorial Général. Cependant,
ce qui pourrait sembler être une "coquille", puisque le généalogiste
d'Hozier en enregistrant ces armes les décrivit "tiercé en
fasce d'or, d'argent, et de gueules" ce qui ressemble fort peu au "de gueules
à trois besants d'argent, deux et un, au chef d'azur accompagné
de trois fleurs de lys d'or" qui est la description actuelle, cette "coquille"
reflète bien - tout comme nous pouvons le voir pour la devise, les
difficultés de ces administrateurs à répertorier fidèlement
ce qu'ils n'avaient pas forcément sous les yeux.
Selon Roger Joly, les armoiries de
Chartres remonteraient malgré cela au moins aux années 1350
mais bien entendu, cela de "source non-officielle". Cela n'a cependant
rien de surprenant puisque l'on peut véritablement parler d'armoiries,
notamment pour les villes, dès le XIIème siècle. Le
plus ancien sceau armorié est celui de la ville de Cologne daté
de 1149. Pour ce qui concerne la France, c'est celui de la ville de Cambrai
daté de 1185. De plus, au XIIIème siècle, les sceaux
de villes deviennent nombreux dans toutes les régions d'Occident.
Les armoiries se composent la plupart
du temps d'un certain nombre d'éléments à commencer
par l'écu. Comme nous l'avons remarqué précédemment,
il se distingue par un chef de France ce qui n'est pas sans rappeler que
le comté de Chartres était fief royal depuis 1234 ; ceci
n'a levé aucune contestation, en revanche l'interprétation
des besants est beaucoup plus controversée. D'un point de vue strictement
héraldique, le besant représente une "petite figure de forme
circulaire qui est toujours d'or, d'argent, ou de fourrure" (Michel Pastoureau,
Traité d'Héraldique, Picard Editeur, Paris, 1993). Cependant,
le besant (ou hyperpère) était aussi l'ancienne monnaie d'or
de l'empire byzantin, connu en France au XIIème siècle sous
le nom de sous d'or.
Même s'il ne fit pas l'unanimité
parmi ses pairs, ce n'est qu'en 1835 que le numismate Lelewel nous donne
l'interprétation de ces figures. Les besants correspondent simplement
à une monnaie dite de type chartrain bien qu'on la rencontre dans
toute la région de la Loire. Quand aux hiéroglyphes étranges
qui y sont représentés, ils ne seraient que le résultat
du travail de copistes maladroits et caractéristiques de la décadence
des arts et techniques qui sévit durant la "période barbare"
qui succéda à la renaissance carolingienne. Dans la représentation
du hiéroglyphe de Chartres, il faut simplement y voir la représentation
d'un profil de souverain surmonté d'un diadème, figurant
Louis-le-Débonnaire, fils de Charlemagne (besant n°1).
La maladresse du copiste du besant
n°2 (au passage nous remarquerons que le besant n°3 n'est qu'une
simple rotation de 90° du besant n°2) est à l'origine de
tout cela puisque l'on se rend bien compte que le copiste du besant n°4
ne sait absolument pas ce qu'il copie, il a, entre autre, remplacé
les trois barres qui représentaient les lèvres et le menton
du visage par une fleur de Lys. Le besant n°5 est celui que l'on retrouve
sur les armes de Chartres.
La démonstration semble bien
être convaincante, mais est-ce seulement la bonne ?
Cet écu est parfois surmonté
d'une couronne représentant les remparts de la ville, représentation
classique pour les villes, mais ajout probablement moderne.
Habituellement, l'écu qui
porte les armes de Chartres est encadré par une couronne de feuilles
de chêne. Nous en faisons une description détaillé
ainsi que de la devise de la ville "Servanti civem
querna corona datur" - "Une couronne de chêne est attribuée
à celui qui sauve un concitoyen" - dans le texte consacré
à celle-ci.
Le dernier ajout à cet ensemble
date de février 1950 lorsqu'un décret du Secrétaire d'Etat à la Guerre attribut à la ville la Croix de Guerre
avec étoile d'argent pour la vaillance de ses habitants durant la
Seconde Guerre Mondiale.
Nous avons pu voir que la difficulté
en histoire est de pouvoir disposer de sources écrites précises.
Dans le cas contraire cela donne naissance à des interprétations
souvent contradictoires et plus ou moins proches de la réalité,
mais ça, le saura-t-on un jour ?
Bibliographie :
Joly R., Histoire de Chartres.
Joly R., De quand date la devise
de la ville de Chartres, in Bulletin de la Société Archéologique
d'Eure-et-Loir, n°62 (première série), 1976, pp145-150.
Pastoureau M., Traité d'Héraldique,
Picard Editeur, Paris, 1993.